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Concurrence déloyale : Peut-on utiliser le nom commercial d’un concurrent ?

Le 15 février 2023
Concurrence déloyale : Peut-on utiliser le nom commercial d’un concurrent ?
Utiliser le nom commercial d'un concurrent peut être déloyal si cela crée la confusion dans l'esprit du public. Cependant pour avoir gain de cause en justice il sera nécessaire de remplir plusieurs conditions afin de prouver la concurrence déloyale.

Concurrence déloyale : Peut-on utiliser le nom commercial d’un concurrent ? - Cour de cassation, 7 juillet 2021


Comme ce blog s'en fait souvent l'écho, la notion de concurrence déloyale est protéiforme. Il s’agit de sanctionner tout comportement d’un commerçant qui démontrerait un abus de sa liberté d’entreprendre vis-à-vis de ses concurrents. Ces comportements déloyaux ne sont pas listés par la loi : ils ont été reconnus, puis affinés au fil du temps et des litiges par les juges, sur le fondement de l’article 1240 du Code civil (anciennement 1382), dont la rédaction très large leur donne une grande marge d’appréciation. 

Selon la jurisprudence, les agissements déloyaux peuvent principalement prendre la forme d’un dénigrement, de la désorganisation et/ou du parasitisme du concurrent, mais aussi dans la création, dans l’esprit de la clientèle, d’une confusion entre les produits et services proposés et ceux du concurrent, par exemple en utilisant tout ou partie de son nom commercial.

Ce dernier aspect ne doit pas être confondu avec l’action en contrefaçon, qui vise à sanctionner toute violation d’un droit de propriété intellectuelle, en l’occurence l’utilisation non-autorisée d’une marque.

Concurrence déloyale : comment déterminer la confusion ?

Dans le cas de la confusion, comment déterminer si la clientèle a été ou non trompée, croyant avoir affaire à des produits ou services d’une société plutôt qu’une autre ? Cette question pose deux difficultés : 

  1. Qu’entend-on par « clientèle » ? S’agit-il du grand public ou uniquement des clients potentiellement intéressés par le marché sur lequel opèrent les commerçants en litige ? S’agit-il des prospects ou seulement des clients ayant contracté avec le concurrent en question ? 
  2. Dans une matière comme le droit, où tout repose sur la preuve, il paraît difficile de sonder les âmes de la clientèle pour savoir si oui ou non la « confusion », notion pour le moins psychologique, a été créée dans leur esprit ;

La Cour de cassation, le 7 juillet 2021, a rendu un arrêt intéressant (n°19-16.028) qui aide à déterminer si oui ou non l’utilisation du nom commercial a créé la confusion dans l’esprit des clients. 

Dans ce litige international, la société Rent A Car, qui comme son nom l’indique met des véhicules en location, s’est rendue compte que son concurrent français Citer, depuis son rachat par la société américaine Entreprise Holdings, utilisait le nom commercial « Entreprise rent-a-car ». Estimant que ces agissements créaient la confusion dans l’esprit des clients, Rent A Car a porté l’affaire devant les tribunaux. 

L’aspect relatif à la contrefaçon de ce litige étant hors sujet, il ne sera pas abordé dans cet article. L’arrêt rendu par la Cour de cassation étant néanmoins important sur ce point, soulignons rapidement qu’Entreprise Holdings prétendait que la marque « Rent A Car » ne pouvait pas être protégée car elle ne fait que décrire (en anglais) le service proposé, à savoir la location de voitures. La Cour de cassation lui a donné tort en reconnaissant la marque « Rent A Car ».

De quelle clientèle parle-t-on en matière de concurrence déloyale ?

La Cour de cassation rappelle le principe selon lequel « l’existence d’un risque de confusion s’apprécie dans le chef du consommateur moyen des produits et services concernés, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé ».

En matière de concurrence déloyale, il n’est donc pas suffisant de prétendre que certaines personnes ont pu confondre deux sociétés concurrentes. La démonstration de la confusion doit se centrer autour des clients intéressés par les produits et services vendus par les sociétés concurrentes en question. 

Or, même en affinant la recherche, en passant du grand public aux consommateurs des produits et services, il reste ardu de déterminer à quel stade la confusion a pu avoir lieu dans leurs esprits respectifs. En effet, en reprenant l’exemple très concret des locations de véhicules, un touriste   étranger lambda louant une voiture une fois dans l’année à l’occasion de ses vacances en France n’aura pas la même connaissance du marché et des produits et services offerts par les opérateurs dudit marché qu’un homme d’affaires parcourant la France au volant de véhicules de location.

Afin de remédier à cet obstacle, la Cour de cassation procède à ce que l’on appelle une fiction juridique : il conviendra de s’interroger sur l’esprit du « consommateur moyen (…), normalement informé et raisonnablement attentif et avisé ».

Comment prouver la confusion en concurrence déloyale ?

Une fois posé le principe selon lequel la confusion doit être recherchée dans l’esprit du « consommateur moyen », la preuve de la confusion n’en est pas moins difficile à rapporter. 

Dans la pratique, un commerçant victime de concurrence déloyale n’a que rarement des preuves écrites (e-mails, commentaires, avis…) permettant de démontrer à un juge que le consommateur moyen de ses produits et services l’a confondu avec son concurrent.

Rent A Car a trouvé une parade intéressante en concentrant ses efforts de preuve non pas sur le consommateur moyen, mais sur l’échelon supérieur. En apportant des preuves de confusion par la police, l’administration, la justice, les assureurs, la presse, les cabinets de recrutement ou bien encore les fournisseurs, qui sont bien plus faciles à produire, Rent A Car a réussi à démontrer, comme le souligne la Cour de cassation, que « compte tenu de leurs fonctions ou activités », ces personnes font « preuve d’une attention et d’un discernement supérieurs à ceux du consommateur moyen des services de location de véhicules, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé », et que « par conséquent, les exemples de confusion commise par ces personnes » sont « de nature à rapporter la preuve de l’existence d’un risque de confusion dans le chef de ce consommateur moyen ».

En d’autres termes, si des fins connaisseurs du marché comme la police, l’administration, les assureurs ou bien encore des fournisseurs ont pu se laisser duper, tel a forcément été le cas du consommateur moyen.

Si votre entreprise est victime ou accusée de concurrence déloyale et notamment de créer un risque de confusion dans l'esprit du public, votre avocat à Paris 16 pourra vous représenter en justice.

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Maître Axel Poncet