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La guerre des sandales de plage : entre liberté de commerce et concurrence déloyale

Le 02 septembre 2022
La guerre des sandales de plage : entre liberté de commerce et concurrence déloyale
Billet d'été - Entre concurrents, presque tous les coups sont permis. Deux fabricants de sandales de plage, se rendant coup pour coup, s'accusent mutuellement de d'actes de concurrence déloyale : l'un de parasitisme, l'autre de dénigrement...

Sandales de plage et dénigrement - Cour d’appel de Paris, 9 avril 2021

L'été touche à sa fin. Comme un dernier clin d’oeil aux châteaux de sable et aux parasols, évoquons cet arrêt du 9 avril 2021 (n°19/10941) par lequel la Cour d’appel de Paris s’est prononcée sur la terrible guerre des sandales de plage.

Une société israélienne, fabricant et commercialisant à l’international des sandales de plage, a appris qu’une société concurrente française commercialisait des sandales qu’elle jugeait en tout point similaire. Elle l’a mise en demeure de cesser la vente de ces sandales, en vain. La société française s’est donc vue assigner en contrefaçon et surtout -c’est le point qui nous intéressera dans ce billet - en concurrence déloyale

Peut-on vendre un produit identique à celui d’un concurrent ?

Avec une certaine pédagogie, la Cour d’appel de Paris rappelle que la notion de concurrence déloyale doit « être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce » et de l’industrie et de la libre concurrence.  Tout commerçant est donc libre de vendre tout produit, fut il identique aux produits commercialisés par un concurrent, à condition :

  • que le produit en question ne fasse pas l’objet de droits de propriété intellectuelle (dépôt antérieur à la vente du produit d’un brevet, d’une marque…), auquel cas il s’agirait d’une contrefaçon ; 
  • que le vendeur n’ait pas commis d’acte de concurrence déloyale, qui peut consister en :
    la création d’un « risque de confusion dans l’esprit de la clientèle avec des modèles concurrents mis sur le marché antérieurement », ou
    un acte de parasitisme, c’est à dire le fait de « se placer dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis ». 

En l’occurence, la Cour a relevé que la société israélienne ne prouvait pas que ses sandales avaient été commercialisées en France avant le modèle de sa concurrente, ni que cette dernière, qui avait apposé sa propre marque sur les sandales, avait l’intention d’entretenir une confusion avec les sandales concurrentes ou de se placer sans dépenser d'argent dans son sillage. La Cour souligne également qu’elle « ne justifie d’aucun investissement financier qu’elle aurait consacré à la conception et au développement des sandales ». 

On ne rappellera jamais assez à quel point, en matière de litiges entre commerçants, il est indispensable d’apporter des preuves irréfutables de toute allégation… 

Une mise en demeure peut-elle être constitutive d’un dénigrement ?

Mais la guerre des sandales de plage ne s’arrête pas là. La fabricante de sandales française, dans une demande reconventionnelle, a demandé la condamnation de sa concurrente israélienne à cause… d’une mise en demeure. 

La société française reprochait à sa concurrente d’avoir adressé à une société tierce commercialisant ses sandales, par le biais de son avocate, une mise en demeure de cesser toute commercialisation des produits litigieux au motif qu’elle se rendrait coupable de recel de contrefaçon. Il s’agirait selon elle d’actes de dénigrement.

Pour rappel, comme défini plus longuement dans un précédent billet, constitue un acte de dénigrement le fait de diffuser des informations malveillantes qui portent le discrédit sur des produits concurrents afin d’en capter la clientèle

La Cour d’appel de Paris a jugé concernant ce courrier, bien « qu’il emploie des termes que l’on peut qualifier de téméraires quant à l’existence d’une contrefaçon » que « rien ne permet de conclure qu’il ait constitué une menace autre que celle d’une procédure judiciaire habituellement contenue dans ce type de courrier ». 

Le pragmatisme de cette solution doit être salué : une mise en demeure est un préalable quasi-obligatoire à toute action en justice. Entrer en voie de condamnation aurait pu constituer un frein à une bonne administration de la justice et, de manière plus générale, au droit au juge.

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Maître Axel Poncet